Le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 vient appliquer l'article 54 de la loi APER (accélération de production des énergies renouvelables) de mars 2023. Il apporte un cadre réglementaire pour le développement de l’agrivoltaïsme ainsi que du photovoltaïque au sol. Quelle définition officielle ? Quelles sont les conditions du décret agrivoltaïsme ? Quels contrôles et sanctions ? Nos experts en maîtrise de l’énergie vous expliquent tout sur ce nouveau décret.
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L’ESSENTIEL HELLIO :
Le décret du 8 avril 2024 vient définir et préciser la notion d'agrivoltaïsme :
La consultation publique relative au décret agrivoltaïsme a eu lieu entre le 15 mars 2024 et le 05 avril 2024.
« L’agrivoltaïsme avait besoin d’un cadre pour se développer dans le respect des pratiques agricoles : c’est l’objet de ce décret, qui fixe des principes clairs et protège davantage les espaces agricoles tout en ouvrant des opportunités pour la production d’énergie. » Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (communiqué de presse)
Les dates d’application du décret dépendent du type d'installation :
L’article L.314-36 du code de l’énergie propose une définition juridique de l’agrivoltaïsme « Une installation agrivoltaïque est une installation de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l'installation, au maintien ou au développement d'une production agricole ». On peut par exemple parler d’agrivoltaïsme pour l’installation de panneaux photovoltaïques sur des volières, des serres ainsi que des panneaux faisant office d’abri climatique.
Lexique
Le terme « agriculteur actif » concerne toute personne physique ou morale qui répond aux conditions de l'article D. 614-1 du code rural et de la pêche maritime. En cas de changement d'exploitant, si l'installation continue sans un agriculteur actif, la durée de l'exploitation ne peut dépasser 18 mois.
En revanche, les installations photovoltaïques sur des bâtiments agricoles ne sont pas considérées comme des installations agrivoltaïques (par exemple les hangars photovoltaïques).
Plus précisément, l’installation doit assurer une production agricole significative ainsi qu’un revenu durable pour l’agriculteur actif ou pour une exploitation agricole à des fins pédagogiques, sous la direction d'un établissement d'enseignement ou de formation professionnelle agricole.
Une installation agrivoltaïque doit apporter directement à la parcelle agricole au moins l'un des objectifs (ou « services ») suivants :
Par ailleurs, une installation ne doit pas compromettre l'un de ces quatre services, ou le cas échéant, l'atteinte doit être limitée à deux de ces services.
Ces éléments sont inscrits aux articles R.314-110 et suivants du code de l'énergie.
La structure agrivoltaïque doit améliorer la qualité du sol et augmenter le rendement agricole, si cela n'est pas possible, l’installation doit maintenir le rendement actuel ou au moins ralentir la baisse du rendement observée localement.
De plus, la remise en activité d'un terrain agricole inexploité depuis plus de 5 ans est considérée comme une amélioration du potentiel agronomique des sols.
L'installation doit permettre une limitation des effets néfastes du changement climatique soit en :
Par ailleurs, les impacts thermiques, hydriques et radiatifs, définis par le décret, sont pris en considération.
Ce service concerne la protection fournie par les modules agrivoltaïques contre au moins un type de risque météorologique ponctuel et externe à la gestion de l'exploitation agricole. Ce risque doit être susceptible de menacer la quantité ou la qualité de la production agricole. En outre, les risques strictement économiques et financiers sont exclus.
Ce service porte sur l'amélioration des conditions de vie et du confort thermique des animaux. Cela peut être démontrable par la réduction des températures dans les zones accessibles aux animaux protégées par des modules photovoltaïques.
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Lexique
Taux de couverture : rapport entre, d'une part, la surface maximale projetée au sol des modules photovoltaïques sur le périmètre et, d'autre part, la surface de la parcelle agricole définie à l'article R. 314-108 (article R. 314-119 du Code de l’énergie).
Dans la mesure où l’agriculture reste l’activité principale du site, le décret limite le taux de couverture à 40 % de la superficie totale pour les installations de plus de 10 MWc (mégawatts crête) ne figurant pas sur la liste des technologies agrivoltaïques éprouvées.
Un arrêté précisera les technologies agrivoltaïques éprouvées, en établissant pour chaque type de technologie le taux de couverture maximal autorisé.
Toutefois, des exceptions sont prévues pour les infrastructures existantes. En effet, si un projet existant prouve qu’il peut fonctionner efficacement avec plus de 40 % de couverture de panneaux solaires sans compromettre l’activité agricole, une certaine souplesse est accordée. En d’autres termes, certains projets peuvent continuer à utiliser une plus grande surface couverte par des panneaux photovoltaïques, tant qu’ils ne n’entravent pas l’activité principale.
LE CHIFFRE HELLIO : 20-25 %
Ce taux est source de débats ; alors que l’INRAE (Institut national de la recherche agronomique) préconise une couverture plutôt située entre 20 et 25 %, certains acteurs de la filière estiment qu'il est adéquat, voire pas assez élevé. (La France agricole)
En outre, deux autres conditions doivent être remplies pour s’assurer que la production agricole reste l’activité principale :
La production agricole doit être « significative », pour cela, les conditions diffèrent selon le type de production hors élevage/élevage et sur serre.
Pour les installations agrivoltaïques hors élevage, la production agricole est considérée comme significative si le rendement moyen par hectare sur la parcelle dépasse 90 % du rendement moyen par hectare sur une zone témoin ou un référentiel équivalent. En d’autres termes, la perte de rendement agricole liée aux panneaux est limitée à 10 %.
Pour des cas spécifiques, le préfet peut autoriser des ajustements sur demande motivée.
L’INFO HELLIO :
L'exploitant devra régulièrement vérifier la cohérence entre :
Afin d'assurer une production effective, la zone témoin en question doit :
Dans plusieurs cas, l’exploitant peut déroger à l'obligation de se référer à la zone témoin :
Pour les installations sur serre, les comparaisons sont effectuées en se basant sur un référentiel local, construit à partir des résultats agronomiques et des données historiques disponibles.
Pour ce type d’installation, le caractère significatif de l'activité agricole peut notamment être évaluée en fonction du volume de biomasse fourragère, du taux de chargement ou encore du taux de productivité numérique.
Le revenu issu de l’activité agricole est considéré comme durable lorsque la moyenne des revenus provenant des ventes des productions végétales et animales de l'exploitation après la mise en place de l'installation agrivoltaïque n'est pas inférieure à celle observée avant sa mise en place. Cela doit tenir compte des changements de la situation économique générale et de celle de l'exploitation.
Le préfet peut accepter une diminution plus importante en cas d'événements imprévisibles, sur demande justifiée.
Le critère de réversibilité fait référence à l'application de l'article L. 111-32 du code de l'urbanisme ainsi qu'à l'article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 (loi Climat et résilience). Ces dispositions prévoient que toute installation doit s'aligner sur l'objectif de réaliser le « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN).
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De plus, un terrain inculte ne peut être inclus dans la catégorie des forêts définies par un arrêté ministériel. C’est-à-dire celles présentant des enjeux significatifs en termes de stockage de carbone, d'exploitation forestière ou de conservation du patrimoine en matière de biodiversité et de paysages.
Ces dispositions permettent de s’assurer qu’aucun terrain récemment cultivé ne pourra être transformé en champ photovoltaïque au sol.
Les installations (agri-voltaïques et photovoltaïques au sol) sont autorisées pour une période maximale de 40 ans, prorogeable pour 10 ans lorsque leur rendement reste significatif. Dans le cas contraire, le propriétaire de la parcelle doit démanteler l’installation et remettre en état le terrain. Il doit également réutiliser, recycler ou éliminer les déchets de l’installation.
Le propriétaire dispose d’un délai de 1 an à compter de la fin de l'exploitation ou de la date d'échéance de son autorisation. Ce délai peut être étendu jusqu'à trois ans en cas de difficultés matérielles tenant à la topographie du terrain.
Les contrôles et les sanctions diffèrent pour les installations agrivoltaïques et photovoltaïques au sol ainsi que le démantèlement et la remise en état du terrain.
L'installation agrivoltaïque et, le cas échéant, la zone témoin qui lui est associée sont soumises à un contrôle préalable à la mise en service ainsi qu’un contrôle 6 ans après.
L’INFO HELLIO :
Le non-respect des conditions et des contrôles entraînera des sanctions administratives et pécuniaires, ainsi que le démantèlement de l’installation avec remise en état de la parcelle. En cas de fraude, le contrat de rachat de l'électricité peut être suspendu ou résilié.
À la suite de cette 6e année, des contrôles ont lieu régulièrement selon le type d’installation :
Ces contrôles sont effectués par un organisme scientifique, un institut technique agricole, une chambre d'agriculture ou encore un expert foncier et agricole.
Les installations photovoltaïques compatibles avec l'exercice d'une activité agricole (hors agrivoltaïsme) sont soumises à un contrôle préalable à leur mise en service puis à un contrôle six ans après l'achèvement des travaux. Ce dernier permet d'assurer le respect des conditions de réversibilité.
Le non-respect des conditions et des contrôles fera également l'objet des sanctions administratives et pécuniaires.
Les travaux de démantèlement et de remise en état font également l’objet d’un contrôle. En cas de non-respect du délai imparti, l'autorité compétente procède d'office aux travaux nécessaires au démantèlement et à la remise en état du site et fait supporter au propriétaire le coût du dépassement éventuel des travaux.
Le déploiement de l’agrivoltaïsme est marqué par des contestations dans les territoires. La Confédération paysanne entend former un recours devant le Conseil d’Etat contre le décret sur l’agrivoltaïsme. Elle estime que la limite de 40% de la couverture imposée est trop importante. La confédération critique également le manque de contrôles effectifs et de sanctions dissuasives.
Enfin, le président de la Région Normandie, Hervé Morin, va également déposer un recours devant le Conseil d’Etat contre le décret sur l’agrivoltaïsme. Il lui reproche de ne pas tenir compte des spécificités économiques et climatiques de chaque région. Par exemple, l’herbe n’est pas soumise à la règle limitant la couverture à 40 % de la surface, faisant craindre une couverture à 100 % de ces surfaces, au détriment de la filière laitière (très présente en Normandie).
De nombreux arrêtés sont encore attendus pour préciser les conditions d’application du décret agrivoltaïsme et conclure le cadre juridique applicable à ces installations, notamment :
Enfin, des dispositions législatives seront publiées pour adapter les règles du statut du fermage (bail agricole), des dispositions sur le partage de la valeur générée par les projets agrivoltaïques, entre l'exploitant agricole, le producteur d'électricité et le propriétaire du terrain.
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